Ton enfant n'est pas un "mini-Toi"…

Je ne sais pas si c’est pareil chez vous, mais dans mon entourage proche ou éloigné, depuis les années 2000, pleiiiiiiiiiiiin de parents ont pris cette étrange habitude de surnommer leur progéniture « Mini-Moi »…
Alors au départ, ça me faisait sourire en pensant à Austin Powers (j’imagine que ça venait de là d’ailleurs)…

Puis, en y regardant de plus près, ça a commencé à me déranger de plus en plus.

Maman qui poste une photo de Fifille en train de faire de la danse « comme maman » avec un intitulé « Mini-Moi ». Papa qui poste une photo du Fiston en train de boire une bière avec un #MiniMoi… et je t’en passe… On se moquait autrefois des gens qui appelaient leurs mioches « Junior » et voici que l’on invente ce concept réducteur de « Mini-Soi »???

Nous sommes dans une époque où l’on prône la pédagogie et la liberté de pensée et soudainement, on inflige à nos enfants des surnoms leur imposant de n’être que le reflet de nous-mêmes… Et c’est normal ça?

Alors récemment, une lectrice m’écrivait que nous faisions trop de duckfaces et que « Même ton mini-toi le fait ». Si je reconnais le fait que nous suivons cette mode au point qu’elle nous a complètement imprimé un réflexe à la vue du moindre appareil photo (mais on essaie de se soigner hein…), j’ai surtout tiqué devant ce « Mini-Toi ». 

Non, ma fille n’est pas un Mini-Moi. Je lui souhaite d’ailleurs tout sauf d’être une Moi version miniature. Je n’ai pas à ce point une estime démesurée de ma petite personne pour vouloir qu’elle soit un Mini-Moi. Elle est éduquée dans l’idée de liberté d’être et de penser. Si elle nous imite comme toute petite fille imite les femmes qui l’entourent, nous l’incitons autant que faire se peut à faire ses choix propres.

Oh je vous entends déjà me dire que « c’est pour rire » « c’est du second degré », ok, ok. Mais je suis convaincue que ça influe sur la relation parent-enfant, ne serait-ce que parce que ça le convainc que votre désir est avant tout qu’il vous ressemble et qu’il doit devenir un autre vous… Et au fond, je suis certaine aussi que ça témoigne d’un désir inconscient, ne vous mentez pas… D’autant qu’en général, c’est avec une certaine fierté que l’on en parle en ces termes… Il est plutôt rare de voir un parent poster une photo du bulletin nul de son gosse avec un #MiniMoi… Non, ce sera au moment de son excellent résultat sportif ou d’un autre talent dont on se targue…

Quel choix donne-t-on à un enfant que l’on nomme Mini-Moi, hein?

S’il prend une autre voie, il a forcément la sensation de ne pas vous satisfaire, de vous décevoir. Ou s’il se contente de tenter de vous ressembler sans y arriver, la déception et l’angoisse doivent être grandes… Et autre solution, s’il s’inflige des efforts constants pour être vous, puisque c’est ce que vous semblez tant désirez, et qu’il y arrive, et qu’il n’aime pas être ce Vous que vous aimez tant, bonjour les heures de psychothérapie pour retrouver le Lui qu’il a perdu en chemin.

Alors certes, Lola fait des Duckfaces, comme Gab ou comme moi ou en fait comme la plupart des gens qu’elle voit un peu partout aujourd’hui sur le net, ne nous mentons pas, et c’est ridicule, sans doute. Sauf qu’elle sait nous dire qui elle est, ce qu’elle aime ou n’aime pas, ce qu’elle ne fera jamais et que nous faisons (la demoiselle est absolument CONTRE Julien Doré par exemple, ce qui prête à de longs débats lorsqu’elle me rappelle que si je l’épouse, elle déménage). Bref, elle a un avis d’être à part entière. Elle N’est PAS un Mini-Moi. Elle prendra de moi ce qu’elle voudra bien et laissera là ce qui ne lui convient pas et ça me va fort bien. Elle croisera des gens qui l’influenceront autrement, elle aura d’autres modèles, elle fera d’autres choix mais en totale liberté. Si un jour elle choisit de devenir une grunge à dreadlocks ou une gothique ou une fan de maths (bon, je pense que là, on va échapper), grand bien lui fasse. Je serai très fière qu’elle se sente assez libre et détachée de moi pour faire ses choix sans qu’ils soient en réaction ou contestataires. Parce que ce petit jeu du Mini-Moi pousse forcément l’enfant à se révolter par le rejet TOTAL de ce que nous sommes. S’il veut une personnalité propre, il doit alors rejeter intégralement ce moule qu’on lui a imposé.

Il est évident qu’un enfant fait dans l’imitation pendant une partie de son enfance avant de prendre sa propre direction. Il est évident que Lola prend des directions semblables aux miennes parce que c’est ce qu’elle voit au quotidien. Il y a peu de chances qu’elle s’éloigne complètement, à terme, de ce qu’elle a aujourd’hui sous les yeux. Mais elle aura le choix parce que jamais, jamais, jamais, je n’ai voulu qu’elle soit un « Mini-Moi ».

« Sois toi-même. Tous les autres sont déjà pris »

Et il n’y a pas plus beau cadeau pour un enfant que la liberté de choisir qui il veut être.