J’ai mal au dos. Oui, je sais, tu t’en fous. N’empêche que j’ai tellement mal au dos que ça se prolonge dans la nuque pour exploser dans ma tête. L’impression délicieuse que mon cerveau se cogne contre les parois de mon crâne à chaque mouvement. Je fais mon boulot comme je peux, je vais aux events dopée aux anti-douleurs, je cours les kinés, les osthéos, les chiros, sans grand espoir et je vis avec.
Bon, cela dit, je n’en fais pas un drame. Mais en discutant avec une lectrice choupi qui prenait de mes nouvelles et qui souffre, elle, d’un truc invisible mais horrible, j’ai pensé qu’il fallait qu’on en parle.
Les douleurs invisibles, parfois inexpliquées, sont souvent soupçonnées d’être du flan. Sauf que, au lieu d’être des glandeurs, certains souffrent tellement que leur vie est à peine supportable. Les arthritiques, les fibromyalgiques ou les polyarthritiques sont des malades qu’on ignore.
Extérieurement, ces personnes sont comme vous et moi. De jolies filles, des hommes forts… Des gens qui ont l’air en pleine forme.
Mais intérieurement, ces gens vivent en état de perpétuelle douleur, à des degrés divers, mais parfois intolérables.
C’est ainsi que ma copine, parfois suffisamment handicapée par sa maladie pour dire que, sans son enfant, elle se serait probablement fait sauter le caisson histoire que ça s’arrête, s’est retrouvée un jour à présenter un certificat de maladie pour ne pas être assesseur. Une journée sur une chaise, c’était impossible, intenable, inenvisageable.
Mais cette copine est aussi impliquée dans la politique de notre pays et s’est, malgré tout, déplacée pour voter. Et se faire insulter. Parce qu’elle a le tort de ne pas porter sa douleur en étendard. Elle est jolie, elle sait sourire même quand elle a mal. Alors on l’a insultée.
On lui a dit qu’elle “avait l’air très en forme pour quelqu’un qui ne pouvait pas être assesseur”, on a joué les ironiques et, quand elle a essayé de s’expliquer, d’expliquer ce qu’elle vit au quotidien, le ton est monté et personne ne l’a crue. Elle est partie pleurer sur le parking.
Alors non, elle n’en mourra pas. Pas plus qu’elle ne mourra de sa maladie. Mais devait-elle subir cette petite humiliation parce que rien ne met son problème en évidence?
Et si elle avait été à un stade avancé de cancer, perruquée et pomponnée? Si elle avait été mourante mais que ça ne se voyait pas, hein? Elle aurait payé le même prix.
Alors je vous avoue que je ne sais pas comment j’aurais réagi, si je n’aurais pas moi aussi soupçonné ma copine de tirer au flan. Parce que c’est le premier réflexe que nous avons en fait.
Et puis quand elle m’a raconté cette histoire, j’ai eu honte. Parce que c’est vrai, je n’y avais pas pensé. Des tas de gens sont malades, parfois incapables d’aller travailler et doivent pourtant se livrer à des activités obligatoires : faire des courses, conduire les enfants à l’école, aller voter… Et si ces gens n’ont pas envie de faire ces activités en étant en pyjama et décoiffées histoire de bien clamer que ça ne va pas fort, c’est clairement leur droit.
Tout ceci pour vous dire qu’il faut y regarder à deux fois avant de médire. Rappeler aussi qu’il existe des maladies handicapantes invisibles. Et que ce serait bien, du moins pour notre humanité, de faire une place à ces vrais handicaps-là.
13 Comments
Maellestaugustin
Très belle leçon !!!
La pauvre c’est affreux d’être traité ainsi..
Moussey
Serait ce de la pitié? Je ressens dans “La pauvre……..traité ainsi” de la pitié. J’ai pu ressentir cela quand j’ai annoncé le cancer qui c’est logé sous la langue . Nous sommes relié par l’inconscient et nous ressentons ce que les autres sentes ou nous projettent dessus .J’ai ressenti cette pitié qui m’a fait du mal car elle m’a tiré vers le bas. .Aussi faisons attention à ne pas confondre la pitié et l’amour qui soutient. Merci .J-C
Emy
Moi je ne ressens pas de pitié mais de la peine sincère pour cette personne.
Carole
Que de choses vraies à dire pour ces souffrances invisibles! Pour ma part j’ai vécu la fibromyalgie de près et entendre dire à la personne qu’on aime le plus au monde qu’elle est dépressive et que cela se passe dans sa tête, c’est juste intolérable… Idem pour moi à peu près chaque mois: non je ne suis pas en phase terminale, non j’ai pas de pustule, et non ma jambe n’est pas cassée en trois endroits mais oui j’ai mal au ventre et je n’arrive plus à bouger. Ça t’embête? Ben pas de chance, les choux de Bruxelles m’embête aussi mais je ne leur fais pas de remarque chaque fois que j’en croise au super marché…
Alexia
Anorexie mentale : 10% de mortalité.
1 suicide toute les 40 minutes en France.
Schizophrénie : 18% de mortalité
…
Les maladies “dans la tête”, on en meurt!
Carine
Très juste, cet article! Souffrant de polyarthrite, je suis allée au boulot en serrant les dents en attendant que la cortisone agisse, pleurant de mal sur le chemin et arrivant tout sourire pour accueillir enfants et parents.
Les gens n’ont vu que les “congés” de maladie car au bout du rouleau et ont médit en parlant de carottage…et ça fait mal au cœur en plus du corps!
Pareil pour la dépression: on se montre fort, on met toutes ses souffrances de côté puis tout explose (la corde casse, le barrage est rompu) et on n’est plus capable de maîtriser ses émotions, sa vie… Et une fois de plus, les mauvaises langues se déchaînent!
Ne jugeons pas, soyons bienveillants envers les autres!
Emy Kolbassine
Que de vérité. On vient de desceller chez ma maman une fibromyalgie. pour tout te dire c’est elle qui a trouvé toute seule ce qu’elle avait en fouinant sur internet, lorsqu’elle a parlé de cette maladie a son médecin traitant, ce dernier l’a incendié en disant que c’était une maladie imaginaire qui n’existait pas. Qu’il était un excellent médecin et que ce n’est pas parce que Martin Freeman en souffrait que ca en faisait une maladie réelle pour autant.
Elle a été obligée d’aller sur Paris, avec moi, voir la généticienne qui la suivait pour que être dernière la rassure et lui dise que oui c’était bien la fibromyalgie qui la faisait souffrir.
De retour chez nous (car oui nous habitons a 2:30 de Paris donc je te laisse imaginer l’état de ma maman pendant tout ce trajet en voiture) son médecin traitant a eu le culot de dire, après avoir eu le compte rendu de la généticienne, que c’est ce qu’il disait a ma mère depuis le début.
Ma mère se troue avec des douleurs dans le dos insoitenables, des œdèmes dans le ventre et les jambes. Mais moralement elle va bien. Seulement étant professeur en maternelle avec des petits bouts de 3 ans, elle ne peut pas tenir une classe c’est pas possible. Soucis ? L’éducation nationale qui n’arrive pas à trouver une case ou ranger cette maladie. bah oui c’est connu tout doit rentrer dans des cases, parce que si tu dépasses un peu bah t’as le droit a rien. Et c’est ce qui se passe. Ils lui ont refusé la congé maladie longue durée. Elle est a 50% de salaire et au mois de juin elle touchera zéro euros. L’alors elle fait appel. Même si sa généticienne se porte “avocate” pour apporter plus de détails sur cette maladie dite “d’exclusions” , j’ai peur que ma mère n’obtienne rien, car sa maladie n’est pas visible et peu connue…
Donc merci pour cet article.
Chrys
Quelle tristesse :'(
chiwie
je suis dans la même situation. regardée comme malade imaginaire, ce ne sont que des petits bobos, c’est dans la tête. Et le médecin qui me dit “ne rentrons pas dans ce diagnostic, ça ne sert à rien”… toujours pas reconnue fibro, alors que les douleurs se déplacent, me poursuivent, de manière lancinante… difficile de la faire comprendre alors que oui, on continue à se tenir bien, à avoir l’apparence d’aller bien !
quand je crois certaines connaissances, on me dit “hé bien, ça a l’air d’aller” ! hé oui, je suis maquillée, habillée…
une heure de courses me fatigue plus qu’une journée de travail avant !!!
ne plus pouvoir faire de longs trajets parce que la fatigue prend le dessus et que je dois m’arrêter toutes les heures et encore, j’arrive à m’endormir au volant !!
mais tout cela ne se voit pas… et on est catalogué “tire au flancs”, “profiteurs”…. etc. et pourtant j’étais un bourreau de travail, j’aimais travailler, les heures ne me faisaient pas peur… et voilà !!! maintenant, je n’arrive plus à me concentrer, j’ai toujours mal
on pourrait en parler des heures et des heures !!!!
Val
Salut tout le monde,
Pour ma part, j’ai été diagnostiquée fybromyalgique en 2008 et je vis avec depuis lors. Et j’en ai des trucs à raconter ! Je vous garde donc la meilleure : j’ai réussi à obtenir un 1/2 temps médical de longue durée avec la loi sur les maladies chroniques. Heureusement pour moi, je suis tombée sur un medecin Medex qui s’est incliné devant une froide logique et des arguments que le docteur House n’aurait pas désavoué en concours national de cynisme et humour noir.
Réaction de mon directeur : la fibromyalgie, c’est la nouvelle maladie du fonctionnaire, encore mieux que les migraines, les lombalgies et la dépression, moi je dis banco !
Moi j’ai pensé très fort : round one : fight !
Je me défend calmement (mais dans ma tête je l’ai déjà tué 5 fois) en lui annonçant quand même que c’est le centre de la douleur du CHU qui a monté mon dossier et que c’est une équipe de 5 docteurs qui ont statué : algologue, psy, physiotherapeute, rhumatologue et neurologue.
Réaction : moi aussi je suis docteur (en philosophie, n’importe qui peut devenir fonctionnaire, je vous jure …) mais moi je sais que tu es une fille très intelligente et que tu es capable de baiser un psychiatre si tu veux.
Notez, à ce stade, je n’ai pas trop relevé le compliment, j’ai quitté le bureau en me jurant de tenir coûte que coûte.
Il m’a fallu un an et demie de harcèlement quotidien, aussi bien mobbing que bullying ( parce que c’est un gars très intelligent qui n’a eu aucun mal à fédérer le service tout entier contre moi) pour que ue déclare mon petit burn out à mwa toute seule.
Et oui, si je n’étais pas tombée enceinte une semaine plus tard ( Namoureux sait consoler sa chérie…), Namoureux aurait été veuf avant d’être marié.
Aujourd’hui, je me drogue scientifiquement au Tramadol et Valtran alternativement ( incompatibles ces deux là) pour aller bosser mes 38h, contre avis médical (je fais ce que je veux .com ) et je rentre chez moi dorloter Namoureux et Pépète dans le seul et unique vrai métier du monde.
J’ai changé de SPF et je n’ai pas osé redemander un temps de travail réduit de peur que ça recommence. Adviendra ce que pourra. On pourrait se dire que Nietzsche avait raison et que ce qui ne m’a pas tué m’a rendue plus forte mais ce serait crâner. Ce soir, nous sommes allés manger au Lunch Garden et j’ai cru y voir mon ancien directeur. Ce n’était pas lui mais je n’ai pas su manger.
La colère, la haine, la tristesse, vers le côté obscur de la Force te conduiront . Oups, je m’égare.
Bises,
Alexia
Je suis psy. Je vois des gens qui vont travailler en serrant les dents et qui s’écroulent une fois passé ma porte. Pour certains, je les supplie de s’arrêter, mais ils ont trop peur du jugement des autres
Valérie L.
Ma psy précédente ne croyait pas à la fibromyalgie (en tant que pathologie physique), je l’ai plaquée. Celle du centre de la douleur voulait que j’arrête de travailler pour pouvoir arrêter de me droguer. Je l’ai plaquée tout pareil.
Il n’y a pas pire jugement que le sien propre. Bien sur que je ne veux plus me remettre à la portée des envieux ( qui envient mes congés, pas ma douleur) mais le principal c’est mon ego qui m’interdit de m’avouer vaincue, ayant besoin de l’assistance pour survivre. Ma partie animale me dit que dans la jungle, ya pas de mutuelle et que tant que je peux le faire, je dois gagner ma vie, ma croûte et le droit de jouer les mamans wonder woman pour ma fille.
Lelie
Ça me rappelle un des pires moments de connerie humaine de ma vie. Comme vous deux je vis en coloc avec ma sœur, qui est réanimateur neonatologue (en gros elle s’occupe des grands premas qui naissent à moins d’un kilo). Un jour, sur une intervention en urgence, elle a piqué un sprint dans un couloir, y’avait un pavé qui dépassait, elle a fait un vol plané en se tordant le genou, elle s’est relevée et elle est repartie, pour passer ensuite trois heures debout en salle d’accouchement à réanimer un enfant. Le lendemain, médecin, diagnostique: déchirure du croisé, minimum deux mois d’arrêt. Le tout à une semaine d’un séjour à Disneyland pour ses 30 ans. J’dis pas ça pour faire pleurer dans les chaumières mais pour bien poser le contexte. On est allées à Disney comme on pouvait, on a découvert le monde “merveilleux” de la location de fauteuil roulant et du pass accès prioritaire. C’était en juillet, il faisait chaud, il y avait du monde. Devant une attraction populaire, on se place en zone prio et on attend gentiment qu’on nous appelle. Arrive une famille avec un enfant encéphalopathe, donc handicapé physique et mental. On discute avec eux, ma sœur arrive à échanger avec le p’ti bonhomme ( ça fait aussi partie de son boulot), et on nous appelle pour faire l’attraction. A la sortie, ma sœur avait réintégré son fauteuil et là on entend un connard qui commence à gueuler comme quoi les accès prio c’était n’importe quoi, qu’elle avait l’air d’aller très bien et que lui aussi le prochain coup il en demanderait un pour faire passer ses gosses. Et de renchérir “nan je vais y aller carrément, prendre l’air débile et baver, j’suis sûr que ça marche”… Pile au moment où l’autre famille sort de l’attraction. Je n’ai jamais autant insulté un mec de ma vie, tout y est passé, le fait que si la connerie était un handicap reconnu il aurait le parc pour lui tout seul, que si un jour un de ses gosses avait un souci je lui souhaitais de tomber sur un médecin aussi impliqué que ma sœur et que lui n’était même pas digne de cirer les pompes de certains parents qui géraient des trucs dont il n’avait pas idée, et qu’en le voyant on pouvait limite sympathiser avec ceux qui veulent stériliser certaines couches de la population… Bref, je ne supporte pas ce jugement aux apparences, cette idée que si ça ne se voit pas (comme c’était le cas pour ma sœur), ça compte pas, ou l’idée de gueuler sur les aménagements dont “bénéficient” certaines personnes juste parce que c’est un “avantage que moi j’ai pas”. Groumpf!