Depuis mille ans, je hurle contre certains auteurs, arguant que « c’est de la merde ». Oui, je sais, c’est mal etc etc. Ce que je reprochais, au fond, avant, à certains auteurs, c’est de se poser comme « grands auteurs » alors qu’à mes yeux, ils faisaient du travail à la chaîne, bien sympathique au demeurant, mais rien de plus que ça. Une sortie annuelle, d’un roman qui se lit en quelques heures, dont on sait qu’il va se terminer bien, bourré de bons sentiments moralisateurs et compagnie. Je ne citerai pas ces auteurs, ils ne m’ont rien fait et vous verrez qu’avec les années, j’ai revu mon jugement totalement péremptoire.
En fait, ce que je reprochais à ces auteurs, c’est d’écrire, plus ou moins, du roman Harlequin, sans même le côté spicy, et d’appeler ça de la Littérature. Je me rappelle avoir entendu un de ces gars se comparer à Balzac et en avoir avalé ma chique. Pour moi, la Littérature, ça demandait un effort au lecteur. Il fallait qu’il trime, qu’il s’arrache pour lire, qu’il se concentre, qu’il réfléchisse, remette en question le sens de sa vie et ressorte de sa lecture grandi. J’étais une lectrice ambitieuse.
Mais au fond de moi, un secret subsistait : j’avais vécu une phase « accro aux romans Harlequin », cette collection de romans gentiment hot qui avaient comblé mes étés d’adolescente. Ces romans reprenaient tous les codes que je reprochais des années plus tard à ces auteurs que je maudissais.
Il fallait bien l’admettre, je n’avais, en mon for intérieur, rien contre les histoires d’amour un peu neuneu où Lisa rencontre Thomas Carrington (oui, bon, je ne suis pas créative), héritier d’une immense fortune, déçu par l’amour, méchant et sévère pour nous faire un petit enemies-to-lovers des familles qui se terminait au pieu, avec force détails et déclarations-pâmoison.
Adulte, je rejetais cette tendance en criant tout bien fort que ce n’est pas de la Littérature et que MOI MADAME JAMAIS. Je préfère Sartre et de Beauvoir.
Je suis tombée dedans un peu par hasard, un peu en cachette, un peu sous le prétexte de mieux comprendre l’engouement général. Et un peu aussi parce que cette grande Littérature que je prônais tant, le soir, après une journée de 10h, une maison, un ménage, elle ne me disait plus tellement finalement.
Il fallait le reconnaître : je n’avais plus tant que ça envie de réfléchir, me concentrer, remettre en question le sens de ma vie (j’ai 45 ans, c’est bon, n’en jetez plus) et encore moins de ressortir grandie de ma lecture. Je voulais me poser, lire un livre comme je regarde une série, en m’évadant. Et sans me dire qu’il me faudrait des plombes pour arriver au bout avec la sensation d’avoir fait un marathon pénible.
Je pense que la série True Blood a été, inconsciemment, mon entrée dans ce qui ne s’appelait pas encore la New Romance (ou la Dark Romance fantastique finalement en l’occurence). J’ai lu tous les tomes en quelques semaines, un été. Pas fière de moi, mais captivée, réfugiée derrière l’excuse que, bon, c’est l’été après tout. C’est un roman de plage, ça va. 13 romans de plage de la série plus tard, je les ai même relus.
Le fait que je relise Harry Potter tous les ans me mettait bien la puce à l’oreille : et si, en fait, j’aimais bien lire des trucs simples qui me faisaient rêver ?
De fil en aiguille, une copine de ma fille m’a parlé de Off Campus, cette série qui se déroule sur un campus américain et où l’héroïne tombe sur la star de l’équipe de Hockey et part pour une loooongue série de parties de jambes en l’air avant de s’apercevoir que « oh mon dieu nous sommes FPEE » (« faits pour être ensemble », suivez un peu!)
J’ai lu le tome 1 (The Deal) en deux soirs, en gloussant.
Puis j’ai lu que le tome 2 racontait l’histoire du meilleur ami du héros du 1, meilleur ami présent dans le tome 1, du coup, vous comprenez, je voulais savoir quand même. Je l’ai lu. En gloussant. Mon excuse ? C’était l’hiver, vous comprenez ? Faut bien se détendre un peu que diable.
Et je suis tombée dedans. De façon définitive.
Depuis, j’ai bouquiné pas moins de 40 romans du même genre cette année, parfois offusquée devant des héros franchement limites (avec la série After qui est un vrai pousse-au-crime d’accepter un mec complètement toxique), parfois captivée par des héros un brin trop fantastiques (avec la série Acotar qui fait franchement rêver).
Et force m’est d’avouer que je ne m’en porte pas plus mal et que je n’ai même pas l’impression que mon cerveau a fondu, je pense que je l’utilise assez en journée. Le soir, je suis contente d’aller me coucher en retrouvant des héros qui n’existent pas mais que ce serait bien quand même.
Bref, c’est bon, là, admettons-le, j’aime la new romance. Beaucoup, finalement.
D’abord, c’est facile et sans effort. Un peu comme quand je commande un plat tout fait après une grosse journée.
Mais j’aime bien aussi cette tendance qu’ont ces auteurs de laisser la parole un chapitre à l’héroïne et l’autre au héros. Non pas que j’imagine que réellement les mecs pensent comme ça, mais j’aime bien voir les deux modes de pensée imaginés par l’auteur (et penser des « ooooh » et des « aaaaaaah il l’aime déjà lui aussiiiiiiii »).
Et puis j’aime le fait que la plupart des histoires de New Romance sortent en séries, soit parce que ça me permet de retrouver les personnages plus longtemps soit parce que le tome suivant présente l’histoire des amis avec des évocations du couple précédent. Un autre exemple que Off Campus dans le même genre, c’est Campus Drivers (où là, c’est l’histoire de mecs qui ont monté une entreprise de « taxis » sur leur campus et chacun rencontre THE ONE dans un tome.). Les héros du tome 1 qui se sont déchirés pendant 600 pages sont présents en tant que couple stable et amoureux dans le tome 2, où c’est un pote qui se déchire avec sa THE ONE à lui. Bref, des clins d’oeil qui me font chaque fois plaisir.
Et enfin, y a tout un univers autour de ces lectures, notamment sur TikTok, qui me plait vraiment beaucoup. Des tas de gens partagent leurs lectures et leurs avis et je trouve qu’il y a un vrai échange positif trèèèèès éloigné des réseaux sociaux de mode et beauté.
J’adore aussi la façon dont tout est codifié, permettant ainsi de choisir exactement ce qu’on a envie de lire et à quel moment. Certains jours, j’ai envie d’un Ennemies-to-lovers, d’autres fois d’un amis/amants au niveau de la narration. Et puis je sais par avance que je n’accroche pas à la Médical Romance mais que j’adore les veines « Sportifs » ou « Campus » (oui, je suis calée à 16 ans). C’est un peu comme décider de regarder un épisode de Friends ou un épisode d’Urgences en fonction de vos goûts. C’est rassurant et reposant.
Ça ne changera pas le monde, mais ça ne le rend clairement pas plus moche.
Que voulez-vous ? Moi, dans Matrix, j’aurais choisi la pilule bleue.