27 juillet SSLP (Salutaire Solution du Lâcher Prise)

De l’amour, comme s’il en pleuvait…

Alors voilà… Hier soir, Céline Dion a chanté l’Hymne à l’Amour. Le monde a pensé que c’était pour les JO. Moi, je sais que c’était pour toi et je savais que ça signifiait que c’était la fin de ta route.

Et je ne sais pas par où commencer pour te dire au revoir. Alors j’écris, c’est comme te garder encore un peu. Je sais que de toute façon, je n’aurai pas le courage de dire tout ça tout haut dans quelques jours. Mais j’ai toujours écrit sur toi… Alors je parie que ce ne sera pas la dernière fois.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai grandi ma main dans la tienne. La tête posée sur tes genoux devant la télévision. On oublie d’apprendre aux enfants qu’ils ne dormiront plus jamais aussi bien qu’auprès de la personne qui les élève.

Ici, à Marseillan que je vais quitter pour te rejoindre, tout me parle de toi. Tous me parlent de toi. Et tout le monde pleure.

Il faut dire que quand on a fait des crêpes et des frites pendant des années pour tout un camping, on finit bien par se faire des amis.

Je n’ai aucun souvenir d’enfance où tu n’es pas. Aucun rire que tu n’as accompagné. Aucune larme que tu n’as séchée. Dans « notre petite maison du bonheur », j’ai toujours trouvé un refuge, peu importe mon âge. Tant que tu étais là, ça allait forcément aller.

Tu as tout traversé, toutes les peines, tous les deuils de la vie. Et tu t’en es toujours relevée en finissant par retrouver ton rire. Tu n’aimais pas les gens qui ne riaient pas : tu les trouvais louches.

Alors qu’on se le dise aujourd’hui en toute franchise, tu étais aussi une sacrée emmerdeuse. Tu n’avais pas ta langue dans ta poche et vu ton grand âge, on te pardonnait.

Quand j’étais petite, tu étais mon ancre, mon rocher. Je pleurais chaque fois que tu me faisais croire que tu allais me laisser pour « aller danser ». J’avais tellement besoin de toi… Et pourtant, tu n’es jamais allée danser. Tu ne m’as jamais laissée pour te refaire une vie que tu étais pourtant bien en âge de refaire. Non, tu m’as donné toutes tes années.

Je ne sais pas quelle mère tu as été pour tes deux autres enfants. Mais moi, j’ai eu la meilleure.

J’aimerais tellement raconter qui nous étions, toi et moi, ensemble… Nos chants dans la voiture et toi, morte de rire encore il y a quelques années en m’entendant massacrer All By Myself. Nos réveillons rien qu’à deux où je te forçais à remettre 50 fois la même chanson. Ces milliers de kilomètres pour aller à l’école, à la danse, à Marseillan,… et toi, qui m’apprends à conduire alors que tu avais 70 ans quand on y pense.

A mes yeux d’enfant, rien ne te faisait peur. Je ne te voyais jamais hésiter, tu restais droite et courageuse et avançais coute que coute. Ça m’a mis la barre très haut et j’ai, comme toi, bien du mal à comprendre ceux qui flanchent et se laissent aller. Donc ce coup-ci encore, je ne flancherai pas parce que, comme tu me l’as toujours répété : dans la vie, soit on avance, soit on s’enterre.

Tu étais ce parent qui, même quand j’avais tort, restait de mon côté. Tu m’as appris l’amour indéfectible et j’ai calqué ma façon d’élever Lola sur la tienne avec moi.

Sans toi, il faut bien le dire, j’aurais été bien seule. Et je me sens bien un peu seule aujourd’hui, même si, d’une certaine façon, tu n’étais déjà plus tout à fait toi.

Alors plein de gens me diront « 99 ans c’est une belle vie ». Ce n’est jamais assez pour ceux qui restent. Je n’ai pas noté ta recette de gaufres, encore moins ta recette de pâtes et je ne sais toujours pas faire de tresses en tricot. Je n’ai pas non plus noté tous tes tuyaux de météo et je ne sais toujours pas prédire quand l’eau sera froide ou quand il va pleuvoir.

Et qui me rappellera les noms de tous ces vieux que j’oublie trop souvent ?

Je suis tellement désolée de ne pas être auprès de toi à l’instant où tu pars mais sache que j’étais dans ton endroit préféré où on entend encore l’écho de ta voix partout.

Quoi qu’il arrive, tu as été et tu resteras dans mon coeur la meilleure chose qui pouvait arriver à la petite fille que j’étais. Le pilier qu’il me fallait pour grandir sinon, j’aurais sans doute poussé de travers. Alors on le sait toi et moi, aux yeux de beaucoup, je n’ai pas grandi « comme il faut », mais j’ai grandi comme tu le souhaitais et si ça te suffisait à toi, ça suffisait à mon monde tout entier.

Je ne prie plus ton dieu depuis fort longtemps, tu le sais. Mais je ne doute pas, étrangement, que tu sois quelque part. Je refuse de croire que, quand on a été à ce point proche de quelqu’un, rien ne demeure. Je suis sûre que tu es là et que ça va aller. Je suis sûre qu’avec ta force à toi, la mienne n’en sera que décuplée.

Alors ne t’en fais pas pour moi. Je ne me mêlerai pas de leurs histoires, je continuerai ma vie comme je l’entends parce que je sais que tout ce que tu as toujours souhaité, c’est que je sois heureuse.

On s’est dit tout ce qu’on avait à se dire la dernière fois que tu as été très mal. Je sais que tu sais. De toute façon, on a toujours su à quel point on s’aimait toutes les deux sans avoir besoin de se le répéter tout le temps.

Je t’aime d’un amour inconditionnel de petite fille. Je t’aime pour toutes les fois où tu m’as bercée. Pour toutes les fois où tu m’as écoutée. Pour toutes les fois où tu m’as dit de créer la vie que je voulais. Pour toutes les fois où tu as chanté « ce n’est qu’un au revoir » en me faisant pleurer. Pour toutes les fois où tu m’as rassurée parce que j’avais peur du monstre sous le lit. Pour toutes les fois où tu m’as laissée rouler trop vite avec ta voiture. Pour toutes les fois où tu m’as obligée à dire des prières pour bénir notre trajet. Pour tous les kilomètres à vélo. Pour toutes les tartines au Nutella du matin. Pour tous les épisodes de Dynastie (tu avais raison de préférer Alexis, Crystel était nunuche). Pour tous les ramis. Pour tous les Scrabble. Pour toutes les « totoyes ». Pour toutes les chansons de Johnny, d’Edith et de Michel. Pour tous les tours de manèges. Pour les bêtises pardonnées.

Je t’aime avant tout pour avoir été le modèle de toute ma vie. La force insufflée pour toujours.

Pour cette fois, je ne te dirai pas « à dimanche »… Mais je suis sûre que c’est « à plus tard ». Puis je ne me gênerai pas pour te parler, de toute façon.

Je t’aime Mamame…

Fais bon voyage !

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