C’est la suggestion d’article de ma copine Laurie, mère imparfaite, que d’écrire un article sur l’éducation bienveillante, la parentalité positive, ou tous ces concepts où on te donne tous les codes pour BIEN élever ton gamin et être LA bonne mère des magazines. Alors je sais que je m’énerve encore publiquement et que les grands pédagogues de 2017 vont me tomber dessus mais crotte de bique, je suis certaine que plein de parents meurent d’envie de dire tout ce que je vais dire.
J’ai lu plein d’articles sur le sujet. Et tous me font lever les yeux au ciel. Il faut dire ceci et plus ceci, utiliser tel mot et pas tel mot, il faut éviter de, prôner ça plutôt que ça et blablablablabla.
Je cite « Quand un de ses enfants se roule par terre, Gaëlle ne se demande plus s’il “fait un caprice” mais se pose d’autres questions : “Lequel de ses besoins n’est pas rempli ? Son besoin d’affection ? De repos ? Les règles n’étaient pas claires… ?”
Wait what? Donc t’es au Delhaize ou au LIDL, Alphonse se roule par terre en tapant des pieds et toi, tu dois te demander « lequel de ses besoins n’est pas compris »???? Tu fais comment? Situe-moi? Tu t’assieds par terre et tu médites? Parce que souvent, je peux te dire que son besoin incompris, c’est un paquet de fraises tagada, cherche pas trop. Oui, peut-être est-il fatigué, peut-être a-t-il besoin d’attention et sans doute combleras-tu ces besoins plus tard mais bordel de merde quand ton gamin se roule par terre en plein caprice, et on l’a quasi tous vécu avec les nôtres petits hein, t’as autre chose à faire que t’interroger sur le sens de la vie.
Bref, on te file plein de bons conseils où tu te dis « rho la la, je suis nulle, moi, quand il pique une crise, je l’engueule et je le tape dans le caddie » (ou pire, des fois, on ne l’engueule pas, on le tape dans le caddie AVEC les fraises tagada histoire de faire cesser ce moment de gêne atroce où tout le monde te regarde parce que forcément t’es une mauvaise mère si ton gamin fait un caprice).
Oh j’ai bien des copines qui ont essayé la parentalité positive qui consiste à écouter les cris, dire à l’enfant « je comprends ta colère, mais maman ne souhaite pas prendre de fraises tagada parce que maman n’aime pas que tu manges du sucre et c’est par amour que maman te le refuse, mon chéri ». Pourquoi pas? L’explication, je ne suis pas contre. SI LE GOSSE NE REPART PAS AVEC LE PAQUET DE FRAISES TAGADA ALORS.
Parce que nom de nom, affronter la frustration, c’est AUSSI de l’éducation!
S’il y a bien un truc que je déteste dans l’éducation bienveillante, c’est qu’en gros, tout doit être tourné vers l’enfant. On doit parler POUR lui, agir POUR lui H24. Alors si, déjà, c’est une pression considérable pour des parents qui font ce qu’ils peuvent, c’est un sacré mensonge pour son avenir.
Le monde, malheureusement, ne s’adaptera pas à Alphonse. C’est lui qui devra s’adapter au monde. Et honnêtement, j’ai toujours pensé que plus tôt ma fille en aurait conscience, mieux c’était. Donc oui, il m’arrive de répondre « parce que c’est comme ça » quand je donne un ORDRE (bouuuuuh c’est maaaaal) et je ne m’en veux pas pendant trois heures parce que je ne me suis pas interrogée sur ses besoins au moment de ranger ses pompes. Non, je ne lui explique pas pourquoi je pense que ses chaussures seront mieux dans le placard, que ça empêchera quelqu’un de se trébucher et blablabla. Parce que dans la vie, des tas de gens, à commencer par des profs, vont lui demander de faire des choses sans prendre le temps de leur donner sens.
Ce qui me dérange particulièrement dans ces principes, c’est qu’on te vend du rêve sur le fait que, t’inquiète, ils ont les méthodes et ils vont tout bien te dire comment élever ton enfant.
Y a des kits de démarrage et tout hein! Tu peux prendre des FORMATIONS pour être parent, tu peux apprendre à décoder les comportements de ton enfant.
Parce que tous les enfants sont pareils! C’est génial.
Une fois de plus, on te guiiiiiiide, on t’accompaaaaaagne vers la perfection. On te donne des OUTILS. Des OUTILS pour être parent.
Alors si c’est très bien de vouloir se pencher sur le développement cognitif de la marmaille, je pense aussi que foutre un peu la paix aux gens, les laisser libres de tâtonner, d’apprendre, n’est pas un mal. On vit dans une société où on te fait croire qu’il y a des méthodes pour tout et que si tu les suis, tu auras une vie merveilleuse et si tu ne les suis pas, ben on t’avait prévenu!
C’est méchamment contradictoire avec leur théorie d’ailleurs puisqu’en gros, ils te dictent quoi faire avec une liste de « il faut sinon… » et qu’ils te conseillent de faire le contraire avec Alphonse.
Cette façon de partir du postulat que les parents ne pensent pas par eux-mêmes et ont besoin de clés me dérange. C’est vrai que, quand tu es jeune mère, tu es paumée.
Mais TU SAIS quelle est la bonne réaction aux circonstances. Sauf que :
Sauf que même si tu SAIS, même si tu as lu des bouquins sur l’éducation positive, il y a les jours où tu y arrives et les jours où tu n’y arrives pas.
La parentalité positive est une immeeeeeeense liste de prescrits bien culpabilisants pour des gens qui vivent dans la vraie vie des humains qui bossent.
Non, tu n’as pas tous les jours la force d’écouter et de comprendre et C’EST PAS GRAVE. Voilà ce que je pense qu’il faut dire aux parents.
Je sais qu’entre autres, je vais recevoir des commentaires sur « Parce que dans la vie, des tas de gens, à commencer par des profs, vont lui demander de faire des choses sans prendre le temps de leur donner sens. »
On va m’expliquer que justement, on ne DEVRAIT pas leur apprendre à accepter de faire des choses qui n’ont pas de sens. Et là, on ne va pas s’entendre, voyez-vous…
C’est fort bien de vouloir faire des révoltés, mais je n’ai pas envie que ma fille finisse par avoir TELLEMENT besoin de sens qu’elle n’achève pas des études parce que l’un ou l’autre cours n’a pas de sens POUR ELLE. Je n’ai pas envie qu’elle refuse des ordres de patrons parce que ces ordres n’ont parfois pas de sens.
Parce que la théorie est bien belle, mais le monde ne l’est pas et je doute fortement que dans dix ans, la situation ait tellement évolué qu’elle puisse se permettre des caprices sur le marché de l’emploi. Je vois aujourd’hui des tas de jeunes qui sortent de ce type d’éducation et qui sont incapables de supporter la frustration du travail. Parce qu’on ne la leur a tout simplement pas apprise. (ndlr : je vois aussi des tas de jeunes se donner à fond, être endurants et tenir le bateau droit, mener des projets à bien à grands coups de courage donc je garde espoir… – big up Melisson, Lori, Juline et bien d’autres…)
C’est bien joli de rêver un monde onirique plein de licornes où tout le monde aurait le droit de refuser ce qu’il n’aime pas, d’exprimer ses émotions partout, tout le temps, mais depuis quand est-ce faisable? Ce serait super, je vous le concède, mais je préfère amplement que Lola puisse se payer un toit et de quoi manger plus tard. Je préfère amplement qu’elle prenne en exemple des jeunes femmes comme celles que je viens de vous citer et qu’elle prenne conscience que oui Melisson passe ses semaines à étudier pour réussir ses études, que Lori bosse et attend pour réaliser ses rêves étape par étape malgré la frustration de l’attente, que Juline se lève à des heures affreuses pour aller bosser à Bruxelles mais que ces filles réussissent leurs études, achètent leur première maison, passent de super weekends et peuvent se permettre des fêtes, du shopping et des vacances PARCE QU’ELLES FONT TOUT POUR)
La parentalité positive place l’enfant au centre de son monde et c’est un mensonge. Loin de le préparer à affronter la vie, je pense que, trop souvent, elle le prépare à se prendre une énorme tarte dans la tronche.
Non, ses professeurs ne se placeront pas à ses côtés pour lui dire « tu peux le faire mon petit », plus après les primaires. Non, ses patrons ne seront pas des tendres. Alors pourquoi lui inculquer autre chose en permanence?
J’ai la sensation également que ces théories victimisent un peu l’enfant. Il serait la victime de tous ces mauvais parents que nous sommes et tous ses doutes, toutes ses craintes sont de notre fait. Puis on s’étonne de trouver des adultes incapables de se voir en vrais responsables de leur vie.
Aujourd’hui, on peut tout rejeter sur les vilains parents qui ont si mal agi. On peut les rendre responsables de nos échecs, on peut leur donner des leçons sur comment ils auraient dû agir (ou leur offrir le kit de démarrage de la parentalité positive à retardement ^^) mais quoiqu’il en soit, c’est leur faute.
Je continue à penser que le mieux à faire pour aider son enfant à pousser, c’est de lui donner les armes pour affronter le monde. Et ce n’est pas en nous donnant les consignes du BON parent qu’on en fera des êtres libres.
Je pense, pour ma part, qu’une parentalité est positive dès lors que le parent fait de son mieux avec ses défauts et ses qualités. Et que les deux parties se parlent!
Parler, beaucoup, tout le temps, c’est positif, peu importe le sens choisi. Expliquer que, parfois, on est une mère chiante et conne parce qu’on est crevée et de mauvaise humeur et qu’on est désolée. Dire qu’on comprend la peine et la frustration quand le prof est injuste mais que oui, c’est pareil plus tard avec un patron donc le mieux à faire est d’apprendre à rentrer chez soi le coeur léger quand même. Montrer ce qu’on vit, partager, illustrer, comparer. Se rappeler ce qu’on ressentait au même moment, en parler, raconter. Montrer qu’on se remet des grandes peines. Montrer que le travail paie. Etre un exemple.
Mais pas un exemple parfait : personne ne l’est.
Et bon sang, personne ne le sera. Pas plus votre enfant que vous.
commentaires
Laurent Brigitte
2023-09-11 12:19:40Margaux
2019-10-09 17:48:55Sony
2019-09-23 20:56:56Severine
2019-03-24 09:58:54Mel
2019-03-23 15:48:22Lorie
2018-07-27 05:51:08Véronique
2017-12-01 09:35:17Muriel
2017-11-03 13:31:32Marjorie
2017-10-26 06:02:17Heloise
2017-10-16 12:48:08Nathalie
2017-10-16 07:31:33