Récemment, une personne pour laquelle j’ai beaucoup d’affection m’a expliqué que ma critique des filtres était négative et culpabilisante.
Quand on m’adresse une critique, fondée ou non, je m’interroge avant tout histoire de voir si une part du propos est fondée et si je ne devrais pas me remettre en question. Alors j’ai sondé. Moi et les autres évidemment.
Quand on a un blog, les gens qui vous suivent ont tendance à être d’accord avec vous. Donc en général, quand j’ai besoin d’un avis, je demande à mes amies « de la vraie vie ». Je leur ai donc demandé si, objectivement, le ton de mon blog était porteur de négativité. On en a longuement parlé et voici ce qui en est ressorti.
La plupart de mes amies m’ont rappelé cette évidence : j’ai créé ce blog initialement pour parler de ça.
Cela fait donc trois ans maintenant que j’en parle. Trois ans que je veux mettre en garde contre ces trucs. De façon récurrente et, peut-être, un peu entière.
Je vous explique.
Il y a trois ans, trois ans et demi, Gab, ma jeune soeur et moi, tenions un blog ensemble depuis quelques années. Les filtres snapchat sont arrivés et surtout un. Un filtre « embellissant » bizarre qui agrandissait les yeux, lissait la peau, affinait le bas du visage, affinait le nez et grossissait la bouche.
A l’époque, toutes les blogueuses, nous comprises, se sont jetées dessus. Gab et moi ne faisions plus une story sans l’utiliser. Et pour une blogueuse, ce sont des heures à se regarder dans un téléphone avec ce nouveau visage.
J’allais avoir 40 ans. Gab en avait 22-23. Sur moi, petit à petit, j’ai senti un malaise devant le miroir. Je m’aimais moins que mon filtre. C’était insidieux mais je ne mettais pas le doigt dessus. Mais sur Gab, à un âge de questionnements de choix de vie, l’effet a été désastreux. Elle ne postait plus rien sans le mettre, même des photos comme si ce visage, c’était elle.
Il faut savoir que j’ai toujours trouvé ma soeur magnifique. Sans une once de jalousie parce que je l’aime comme ma fille en fait. Je la vois belle et je suis fière comme un paon comme si c’était moi qui l’avais faite ^^
Et là, je l’ai vue se désaimer rapidement. Nous lissions déjà beaucoup à l’époque (au point de nous lisser les mains, je vous jure). Mais là, ce filtre la changeait. Elle a commencé à parler de se faire refaire le nez comme son filtre. On a commencé à se disputer au sujet de ces photos puisque notre blog était commun. On n’était plus d’accord de montrer les mêmes choses.
Et on s’est méchamment disputées pour tout un tas de raison mais je vous jure que ce satané filtre m’avait, entre autres, volé ma soeur.
Nous avons cessé notre blog et j’ai créé Imparfaites. Vous comprenez le titre un peu mieux. Aujourd’hui, je nous trouve tellement de nouveau sur la même longueur d’ondes que ça me semble super loin. Mais c’est comme cela que les choses se sont passées et nous pensons souvent à en faire une vidéo pour mettre en garde nos lectrices. (Mais bon, quand on se voit, on a tendance à glander dans le canapé en fait).
Alors oui, j’étais maladroite. J’essayais de lui faire comprendre quelque chose avec un ton de mère donneuse de leçons et j’avais tort.
Gab a fini par arriver toute seule à la même conclusion que moi et notre petite dispute a fini par prendre fin et nous sommes complètement sur la même longueur d’ondes.
Ma soeur est naturellement belle. Elle le sera toujours.
Ca, par contre, je sais pas qui c’est :
Voilà ce qu’on s’infligeait :
Et je mesure mes mots et leur poids : on se l’infligeait. On apprenait à nos cerveaux à ne pas aimer nos visages.
Il ne s’agit pas de se dire qu’on est mieux avec ou sans. Le cerveau est conçu pour décréter que la symétrie est belle, tout simplement parce que ça lui demande moins d’effort. Plus quelque chose est symétrique et semblable à ce qui est connu, plus le cerveau l’analyse simplement et décrète que c’est beau.
Au fond, donc, le cerveau est un peu con. Et les filtres, qui lissent, idéalisent, travaillent la symétrie et la similarité, travaillent en ce sens.
La notion de beau n’a donc qu’une valeur toute relative.
Après réflexion et remise en question, je maintiens que non. Je suis une maman, une très vieille grande soeur et une marraine. Je suis sans doute donneuse de leçons, pardon, vraiment c’est sincère mais, comme une maman, je répète tout cela pour votre bien.
Alors j’ai réagi en opposition totale, sans doute. Sans doute que je crie un peu fort. Je vous avoue même ici que je pense que ma prise de poids a peut-être même été carrément liée au rejet total du poids de l’image. Ca peut paraître fort, mais je crois vraiment qu’il y a un lien.
J’ai vu les ravages psychologiques de ces filtres. Ils nuisent à l’égo et, en pleine construction, ils font des dégâts. Pour peu qu’une personnalité soit un peu mal dans sa peau ou un peu fragile, ils appuient sur ce qui fait mal.
Je n’ai pas changé mon propos sur Imparfaites et je n’en changerai pas. Je ne veux en aucun cas culpabiliser les gens qui utilisent ces filtres, je veux simplement que les petites filles qui arrivent sur instagram sachent faire la différence entre un visage réel et un visage filtré. Je veux qu’elles se méfient de leurs effets.
Alors oui, je crie parfois un peu fort, encore une fois pardon.
Mais au milieu d’un univers entier dédié à la beauté idéale et filtrée, il faut bien crier fort pour que quelques personnes entendent.
Je vous l’assure, je ne porte pas de jugement sur l’utilisation des filtres : j’en ai usé et abusé. Je pose encore parfois une modification de teinte ou j’augmente la luminosité d’une photo etc.
J’ai encore constaté récemment qu’une dame de ma connaissance a tellement retouché sa photo de profil qu’elle est méconnaissable. Elle efface énormément de kilos, se blanchit les dents à outrance, se lisse la peau et met en plus de faux cils virtuels. Derrière elle, les gens rient. Moi je ne ris pas. J’ai de la peine pour elle et je voudrais vraiment pouvoir l’aider à pouvoir se regarder en photo telle qu’elle est, tout simplement.
Certes, on poste tous les photos qu’on trouve les plus flatteuses, mais je vous promets que se regarder le visage en face, c’est bien aussi. On apprend à rire de ses yeux à moitié fermés sur une photo, on s’aime de plus en plus telle que l’on est.
Si mon propos vous agresse, rappelez-vous que Gab se sentait agressée par mon propos à l’époque où elle était dans cette quête bizarre d’elle-même. Demandez-vous pourquoi cela vous dérange parce qu’il ne revêt aucune méchanceté, uniquement de la bienveillance. Demandez-vous pourquoi lire que les filtres sont dangereux vous culpabilise ou vous dérange. Si cela vous fait simplement rire parce que vous n’y croyez pas, alors tout va bien : ils n’ont sans doute pas de prise sur vous et c’est tant mieux.
Je vous renvoie vers une vidéo de Coline, qui dit tout ça avec bien plus de justesse que moi :
Mais si entendre qu’ils peuvent vous faire du mal vous gêne, demandez-vous pourquoi… Demandez-vous si vous vous aimez assez et surtout rappelez-vous que des tas de gens vous aiment tel(le) que vous êtes chaque jour. Les gens ne vous voient pas lissés et modifiés et ils vous aiment quand même. Apprenez à faire comme eux.
PS : Gab, t’es belle, belle, belle. Et je suis fière de toi.
commentaires
Audrey
2020-11-04 09:49:48Kassandra
2019-06-26 10:14:43Elo'
2019-06-13 10:09:15Mlsre
2019-06-05 10:39:22Romane
2019-06-02 08:52:02jean-raymond Charlier
2019-06-01 20:13:14