Depuis quelques jours, je vois refleurir sur les pages bien pensantes (ou pire, humoristique) des posts concernant Eugenia Cooney.
Je dois avoir vu cette publication sur une quinzaine de pages en 3 jours. Toutes demandent l’avis éclairé des followers.
Ce qui me rend chèvre sur internet, c’est cette façon de partager des trucs datés. La fameuse pétition CONTRE Eugenia date de 2016 et l’histoire est clôturée depuis un bail. 715 imbéciles outrés l’ont signée et ça s’arrête là.
C’est bien joli de vouloir susciter la réaction pour animer vos pages avec des sujets chauds, quand c’est réchauffé, c’est quand même un peu de la manipulation à deux balles. Parce que ce n’est pas réellement que vous voulez connaître l’avis de vos followers hein. Du tout. Si le sujet vous intéressait tant, vous sauriez qui est Eugenia et que cette affaire remonte à l’an passé.
Le but est simplement d’obtenir plein de commentaires et c’est efficace. La charmante publication que je viens de vous partager a obtenu 269 commentaires. Formidable. Génial.
(Vous allez me dire que je fais pareil en évoquant le sujet. Enfin non, ces pages vont le dire. A ma décharge, j’ai longuement réfléchi avant de poster et ma page n’est pas qu’une longue suite de partages d’articles rédigés par d’autres : j’exprime mon avis sur tout. Je le fais à nouveau ici, parce que, vous me connaissez, quand je m’insurge, il faut que je l’ouvre…)
Parmi ces commentaires, on peut lire (mais rassurez-vous, Eugenia Cooney n’est plus là-dessus : elle s’en prend plein la gueule partout sur le web) des commentaires charmants et forcément bien avisés comme :
Sur une page plus trash, on lit aussi :
Ces pages jouent sur l’émotionnel et le rejet naturel (même sous couvert de bienveillance) mais n’en ont évidemment rien à caler de cette pauvre gosse sinon elles feraient autre chose que partager un vieux truc périmé.
Partager une pétition morte et enterrée (toujours ouverte hein, mais totalement inutile) pour faire de l’audience, c’est juste gerbant.
Et surtout, c’est susciter la haine pour la haine parce qu’il est certain que, sans explication, avec un pauvre « et vous qu’en pensez-vous? », on va juste obtenir ce qu’on cherchait : des réactions sans suite, sans éducation et sans réflexion. Vous vous foutez éperdument de ce que pensent réellement les gens qui vous lisent (sinon vous répondriez et échangeriez…)
Faut-il faire des années d’études pour savoir qu’elle est anorexique? Non. Des dizaines de gens ont déjà fait des vidéos où on la voit maigrir à vue d’oeil, vidéos qui font le buzz, et où vous pourrez la mater en train de mourir à petits feux si ça peut vous distraire.
Eugenia oscille entre l’aveu de sa maladie et le déni depuis 3 ans. Elle a des milliers de followers. Pourquoi? Parce qu’elle maigrit. Parce que c’est un animal de foire. Parce que les gens sont pendus à ses lèvres pour savoir quand elle va dire qu’elle est malade et quand elle va le nier. Vous pouvez jeter un oeil à sa chaîne : la plupart s’en foutent de savoir quel rouge à lèvres elle porte. Mais lui demander 15 fois « qu’est-ce que tu manges? » pour ensuite relayer partout sur twitter « I have a disorder » (un de ses rares aveux) comme si on avait obtenu le Graal, ça, ça cartonne.
Au lieu de faire une pétition pour bannir Eugenia de Youtube, il est quand même interpellant de voir que personne ne bouge pour qu’on lui vienne en aide. Elle n’encourage pas ses followers à ne pas manger : elle n’en parle pas. Mais ses followers l’encouragent à mourir. Plus elle maigrit, plus on la suit.
Regardez les commentaires sous sa dernières vidéo parlant de ses tenues de jeunesse :
Pas UNE personne ne parle de ce qui est dit dans la vidéo.
Pas UNE.
On parle de son poids, on s’étonne du manque de réaction de la famille, on juge, on argumente… On DONNE SON AVIS.
Et on entretient le stock de plus d’un million de followers d’une personne visiblement en train de mourir.
Lorsque j’étais prof, j’ai enseigné un temps dans le service des anorexiques d’un des hôpitaux de Liège. Un passage court mais instructif.
Non, Eugenia Cooney ne sait pas qu’elle est « laide à faire peur ». Non, elle ne sait pas « qu’elle est en train de mourir ». Encore qu’elle le reconnaît dans une vidéo de février 2017 où elle répond à une fan qui lui dit qu’elle est belle que « ne vois pas ça comme un exemple, j’ai peur de mourir chaque jour ».
L’anorexie est une maladie et le déni en fait partie.
L’anorexie est une maladie. En partie liée à l’estime de soi d’ailleurs. Et chaque like lui prouve que plus elle est maigre et plus on l’aime. Plus elle est maigre et plus elle contrôle sa vie professionnelle (oui, sa chaîne est un métier à 1 million de followers)…
L’anorexie est une maladie et tous les gens qui suivent cette gamine sont tout simplement en train de participer à sa mort publique.
Elle n’a pas besoin d’une pétition pour l’interdire de Youtube. Elle a besoin d’une pétition, au pire, pour se soigner.
Mais personne ne sait ce qui se passe dans sa famille. On peut subodorer pour le fun, mais est-ce bien nécessaire devant un tel cas?
On n’aide pas un anorexique en lui disant sous ses vidéos de manger. On ne l’aide pas en l’insultant. On ne l’aide pas en crachant sa haine parce que sa maigreur fait peur. On ne l’aide pas en se moquant.
On l’aide en le renvoyant vers un service d’aide spécialisé.
Et si, au lieu de donner des avis sous chaque vidéo, chaque follower lui linkait l’adresse d’un site d’entraide pour désordres alimentaires avant de se désabonner, il est probable que, peut-être, Eugenia Cooney ouvrirait les yeux et, délestée de ses spectateurs affamés de télé-réalité bien dégueulasse, n’aurait plus d’autre voie que de se soigner.
Mais bon… Je vis dans un autre monde je crois…
Bon dimanche quand même…
commentaires
seb
2021-04-08 03:30:14Stéphanie
2018-04-29 14:07:14Ey@el
2017-08-26 18:49:39Ey@el
2017-08-26 18:47:10Eyael
2017-08-22 15:17:08