Je vous avais dit que je comptais aussi me servir d’Imparfaite(s) pour rappeler au monde ces femmes qu’on a injustement oubliées. Aujourd’hui, dans la section Femmes Inoubliables, je vous présente Irena Sendler, une autre héroïne.
Irena naît à Varsovie, dans une banlieue ouvrière. Privilégiée en ce lieu, elle est la fille d’un médecin. Sauf que son père a choisi l’action sociale et l’élève dans l’idée qu’il faut aider les autres.
Cet homme est membre du parti socialiste polonais. A cette époque, loin des dérives socialistes de nos jours, c’était un parti qui voulait réellement aider le monde ouvrier qui en avait grand besoin. Un érudit qui faisait ce choix ne pouvait qu’être contesté par ses pairs.
Il élève Irena dans l’idée que les races et les religions importent peu. La seule façon de « classer les gens » serait de choisir entre les « bons » et les « mauvais ». Les bons pensent aux autres, les mauvais les détruisent. Stanisław meurt en 1917 du typhus contracté auprès de ses malades. Irena a 7 ans et les enseignements de son père sont déjà marqués au fer en elle.
Avant la seconde guerre, la montée de l’antisémitisme est sensible et Irena la refuse. Elle est activiste militante et participe aux manifestations contre les discriminations d’étudiants juifs.
Une fois la guerre déclarée, elle s’engage immédiatement dans l’aide sociale à Varsovie et oeuvre activement à soutenir les populations mises à mal. Son action se centre vite sur les enfants abandonnés : dans le ghetto juif de Varsovie, où la famine et les maladies sont légion, de nombreux orphelins errent seuls.
Il s’agit de sauver ces enfants qui sont voués aux déportations massives. Bien entendu, son rôle dans l’aide sociale ne l’autorise pas à évacuer ces enfants et elle rejoint un réseau clandestin, Zegota, qui, sous couvert d’aide sociale classique, prépare des faux-papiers et organise l’évacuation de ces enfants hors du ghetto. L’attention des Allemands est attirée car les dépenses de l’aide sociale sont trop élevées pour les services qu’elle est supposée dispenser. C’est le moment où le gouvernement polonais en exil à Londres leur fait parvenir des fonds secrets afin de poursuivre leur action.
Désignée chef secrète du service d’aide à l’enfance, elle organise l’évacuation de centaines d’enfants juifs.
Bien entendu, la Gestapo finit par avoir vent de son action. Elle fut arrêtée en octobre 1943. On la torture, lui brisant bras et jambes, la laissant d’ailleurs infirme à vie puisque les fractures ne sont pas soignées, mais elle résiste et refuse de donner les noms des membres de son réseau. Elle est alors condamnée à mort.
Le réseau Zegota parvient à soudoyer les gardiens de la prison et elle est évacuée et cachée jusque la fin de la guerre.
Elle récolte alors les noms de plus de 2500 enfants qu’elle a sauvés, bien déterminée à les retrouver, pour tenter ensuite de retrouver leurs parents et de les réunir. Elle glisse chacun des noms dans une jarre qu’elle conservera jusqu’à sa mort.
La plupart des parents avaient péri dans les camps et les enfants furent adoptés par des volontaires.
Jusqu’à sa mort, Irena Sendler a dit « Les héros font des choses extraordinaires. Ce que j’ai fait n’était pas une chose extraordinaire. C’était normal. »
Aujourd’hui où le nationalisme et les extrémismes se réveillent et grondent, je me demande combien d’Irena seront à nouveau là.
Si les Irena n’étaient pas minoritaires, les méchants ne gagneraient pas.
Lorsque son père lui a appris qu’il y a les bons et les méchants, je crois qu’il oubliait les autres. Les entre-deux. Ni bons, ni méchants. Les silencieux. Si ceux-là prenaient un parti ou un autre, je suis certaine que les Irena n’auraient plus à être torturées parce qu’on ne torture pas une majorité.
Irena s’est éteinte en 2008. Elle avait été nommée Juste Parmi les Nations, la plus haute distinction honorifique donnée par l’Etat d’Israël aux civils.
Elle avait été nommée pour le Prix Nobel de la Paix.
Elle n’a donc pas reçu le Prix Nobel… ce dont de nombreux internautes à travers le monde se sont insurgés en vain…
Mais peu importe : je pense qu’elle était bien au-dessus de ça. La question qui se pose aujourd’hui est bien plus importante…
Combien de personnes seront prêtes à risquer leur vie pour défendre celle des autres. Combien seront prêtes à endurer tortures et menaces parce que les idées mortelles de quelques trop nombreux fous mènent le monde au chaos?