19 mai Fourre-tout / Regarder

Influenceuse, le court-métrage à mettre entre toutes les mains

On me tague souvent sur des tas de trucs pour attirer mon attention. C’est souvent répétitif ou ce sont souvent des choses que j’ai déjà vues. 

Donc quand j’ai vu qu’une de mes amies m’avait taguée sur un court-métrage intitulé « Influenceuse », j’ai pensé que ce serait une vidéo humoristique, d’où mon choc quand j’ai commencé à regarder…

Je me suis sentie de plus en plus mal tout au long du film, et pour cause…

Je suis qualifiée du titre ronflant d’ »influenceuse » par pas mal de gens.

Mais avant de me lire, filez voir le court-métrage puis revenez vers moi pour en parler !

Le court-métrage de Sandy Lobry

Ce n’est donc pas un court-métrage rigolo. Loin de là… Je ne peux pas vous en parler plus avant sans vous expliquer de quoi il parle mais bien entendu, il FAUT aller le voir. 

Il s’agit de l’histoire de la jeune Lola, alias Lauréna Thellier,  même prénom que ma fille donc, une adolescente qui vient de perdre sa maman, dont le père travaille beaucoup et comprend assez peu l’univers. Elle suit avec assiduité une certaine Miss Billy, interprétée par Alix Bénézech, influenceuse à 1 million d’abonnés qui dispense un tas de codes promo, un tas de conseils, un tas de photos de sa pseudo vie de rêve et beaucoup de déclarations d’amour mielleuses à grands coups de « Je vous aime mes petits choux, n’oubliez pas que vous êtes les meilleurs blablabla »

Alix Bénézech, fabuleusement crédible, qu’on finit par détester cordialement

Lola lui déclare son affection, se dispute avec les gens qui la critiquent sous ses photos, like religieusement tout ce qu’elle fait.

Elle a bien des copines d’école un peu superficielles mais en tout cas peu préoccupées d’elle. Elle est seule, en somme. Et elle rêve littéralement de croire aux propos de Miss Billy. Générant assez peu d’intérêt dans son entourage, elle finit par écrire à son influenceuse favorite qui ne prend pas la peine de lui répondre.

Dans un engrenage un peu fou, elle tente de se lancer elle-même dans un compte instagram d’influenceuse et récolte des moqueries. Elle singe les attitudes de son héroïne et souffre de ne pas parvenir au même résultat lissé. Elle finit par inventer un futur rdv avec Miss Billy, ce qui lui vaut tout à coup l’intérêt de ses pseudos copains. 

D’étape en étape, elle se fait évidemment jeter par Miss Billy lorsqu’elle trouve son adresse, finit par l’agresser et la séquestrer pour se rendre compte de la situation malheureuse dans laquelle elle se trouve. 

La gamine finit évidemment par un suicide qu’on voit venir de loin et… l’influenceuse surfe sur cette histoire pour vendre un code promo pour un système d’alarme. 

Pour ma part, la vidéo a été un tel coup de poing que j’ai choisi de vous en parler parce que je pense qu’elle doit être partagée un maximum, montrée dans les écoles et discutée…

Vous le savez, c’est un sujet que je rabâche souvent : il faut protéger nos enfants et nos ados des réseaux, il faut les éduquer et les adultes DOIVENT s’éduquer pour comprendre les réseaux afin de protéger leur progéniture. 

Lauréna Thellier, l’adolescente bouleversante…

En tant que parent qui a transmis ces informations à mon ado, je pourrais avoir tendance à ne pas prêter attention à cette vidéo : ma fille n’a nul besoin de voir cette vidéo pour savoir que les influenceuses sont des panneaux publicitaires créatifs à des degrés divers. Elle a grandi dans ce monde, elle le sait parfaitement. 

Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à mes anciens élèves, ceux dont les parents ne savent même pas utiliser un smartphone et n’ont aucune idée de ce que font leurs enfants avec le leur, ou ceux dont les parents n’accordent que peu d’importance à leurs fréquentation ou à leur avenir et je pense que diffuser ce message le plus possible pourra aider certains à voir ce qu’ils ne voient pas vraiment sur les réseaux…

Des icônes publicitaires

Beaucoup de jeunes filles n’ont pas conscience que leurs héroïnes sont avant tout des entreprises qui produisent des revenus sur les ventes et campagnes publicitaires qu’elles créent avec plus ou moins de talent. 

Quand on l’ignore et qu’on pense réellement que l’influenceuse conseille généreusement ses followers, on peut se retrouver avec un gros trou dans la CB à la fin du mois ou une vision faussée de la réalité. 

C’est le job de ces filles de faire rêver : c’est leur job de montrer des vies idéalisées, remplies de voyages incroyables et de sacs et bijoux de luxe. Elles sont comme les stars d’autrefois sauf qu’elles semblent être arrivées là par l’opération du saint Esprit or ces filles sont surtout arrivées sur les réseaux au bon moment, ont pu créer les bons contenus selon une recette qui ne serait plus applicable aujourd’hui, ce qui a le don d’en décevoir plus d’une. 

Mais on va parler des objections qu’on m’a transmises hier…

Ce n’est pas réaliste, m’a-t-on dit…

C’était une des réactions que j’ai reçues en parlant de cette vidéo hier.

Le portrait de l’influenceuse est hyper réaliste, ne vous en déplaise. Bon nombre de mes abonnées ont dit qu’elle était caricaturale et pourtant pas du tout. Simplement mes abonnées sont situées dans une tranche d’âge souvent plus adulte et peu intéressée par ce type de contenu somme toute assez lassant. Sauf que dans mon boulot (je travaille dans le marketing), je suis évidemment ce genre de filles afin de leur proposer des collaborations avec certains clients. 

Miss Billy n’est pas caricaturale, sachez-le. Rejoignez dix minutes les filles de télé-réalité et autres blogueuses à gros comptes, vous verrez que c’est, trait pour trait, le même contenu que cette Miss Billy. Citons Nabila ou Manon Meursault par exemple. Même mimiques, mêmes poses avantageuses, même vie lissée, mêmes vidéos dans un lit maquillée, mêmes conseils, même codes promo… Trait pour trait, ni plus ni moins. 

Le fait que pas mal d’abonnées de 40 ans ont trouvé l’influences caricaturale est d’ailleurs interpellant : cela signifie qu’elles ne sont pas consciente que ces contenus existent et s’adressent à nos enfants.

C’est la faute du père…

Le père est absent, certes, et de façon maladroite à un moment où sa fille vient de perdre sa maman. 

Mais là n’est pas la question. Lorsque les parents défaillent, c’est souvent le système social qui entre en branle : on édicte des lois, des mesures sont prises, on pallie aux manquent parentaux par la communauté. 

Les influenceuses doivent se protéger

Etrangement, j’ai également reçu ce type de retour. « Protège bien ton adresse » m’a-t-on dit comme si c’était là le message à retenir. 

Les influenceuses sont souvent très informées au sujet des réseaux et plutôt prudentes. Je ne m’inquiète pas pour elles ni pour moi. 

Par contre, la question que je me pose malgré tout, et au sujet de laquelle évidemment peu d’influenceuses s’accordent avec moi, c’est la responsabilité des influenceuses vis à vis de leur audience. 

Lorsque l’on a accès à nos statistiques et qu’on peut voir qu’on est suivies, admettons, par 25.000 jeunes personnes de moins de 17 ans, ne devrait-on pas se sentir responsable de ce que l’on montre comme exemple de vie ? 

J’en reviens à l’idée de pallier aux manques par la communauté : si ni les parents n’éduquent ni les influenceuses ne contrôlent leur travail, une faille me saute aux yeux : au niveau de l’impact des influenceuses sur les jeunes, AUCUNE loi n’existe. Les publicités à la télévision sont règlementées et sur Instagram, alors que tout le monde sait pertinemment que les pubs sont souvent masquées par des discours de rêves relevant plus ou moins de la publicité mensongère, rien de légal n’est posé. 

On limite les publicités pour l’alcool, certaines pubs ne sont pas autorisées dans certaines tranches d’âge et sur Instagram, à partir de 13 ans, on est exposé à toutes les conneries possibles et imaginables, de l’influenceuse qui twerke et pose à poils à celle qui te vend des faux iPod à 30€ en te faisant miroiter une vie exceptionnelle remplie de Botox à gogo, de fausses poitrines et de fausses fesses… un monde entièrement faux, à la portée de toutes, si jeunes soient elles…

Je tiens donc à remercier Sandy Lobry pour ce pavé dans la marre, en espérant que bien des ados et bien des parents tomberont sur sa création…

Sandy Lobry

Merci de partager son film au maximum, même si vos enfants sont en sécurité : ça peut toujours servir à d’autres qui ont moins de chance, moins d’accompagnement ou tout simplement moins d’échanges…

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commentaires

No

2020-05-19 12:47:30
Article très intéressant, tout comme la vidéo. J'aime beaucoup les sujets que tu traites ! Tous, même les articles beauté :D Je ne suis pour ainsi dire aucune influenceuse et je ne l'ai malheureusement pas trouvée caricaturée. :0 Ca ressemble fort à tous les extraits de posts et de stories que j'ai pu voir. Le comportement de Lola m'a semblé plus extrême (à partir de la séquestration en fait) Ce qui m'a le plus choquée c'est de voir comment Miss Billyet ses followers réagissait. Certes, Lola pète un plomb mais j'ai personnellement trouvé Miss Billy terriblement irrespectueuse envers ses abonnés... A leur servir mensonge sur mensonge.

Marc Aubert

2020-05-19 12:32:07
Plusieurs éléments contribuent à donner un caractère caricatural à cette fable ou conte moral (ce n'est pas dépréciatif, d'excellents auteurs ont marqué l'histoire de la littérature depuis l'antiquité). Deux me paraissent majeurs. Le premier est justement la concision, le raccourci, l'ellipse, la contraction dans le temps de l'évolution de la gamine (Lola). Ce qui semble trancher avec le personnage de la Miss Billy qui semble être là depuis toujours et pour toujours, le mythe parfait. Presque parfait. Bien sûr, la mise en scène de la dénonciation de l'imposture du mythe semble, un poil, irréelle mais c'est une fable. Ça ne se passe jamais comme ça dans la "vraie vie". C'est un conte et moral, qui plus est ! Ça devrait se produire mais non. Cela introduit le second élément dérangeant du récit : le déni général. Déni déjà de la victime, dès le début, aveuglée par son désir d'y croire, déni ensuite de la "coupable" comme vous l'avez souligné, déni des "followers" qui ne supportent pas qu'on flétrisse leur fantasme et probablement des spectateurs lesquels ont le réflexe "ça n'arrive qu'aux autres", ça ne peut pas être aussi simple, aussi proche, aussi facile... Bref, ça fait vraiment peur. Je suis peut-être moi-même dans le déni aussi mais je vous trouve injuste envers le père qui n'est pas si absent que cela. Il travaille, oui, et alors ? En prime, il est "seul" et on sait que les hommes ne sont pas doué pour ça. Néanmoins, il ne lâche pas l'affaire. Pour avoir vécu ce genre de "configuration" familiale (il y a longtemps), je sais à quel point ce n'est pas si simple... et même très mal vu professionnellement surtout quand on a une "certaine position", disons hiérarchique mais pas seulement. Enfin, j'ai récemment réalisé que des jeunes gens (surtout des filles) annoncent sans la moindre hésitation que leur "métier" ou position sociale est : influenceur. Que faites-vous dans la vie ? J'influence ! Diable, je voyais cela comme, disons, un hobby, un jeu. Ben nan... une perspective de carrière, d'accomplissement, de vie quoi. Comprenne qui peut mais me reviennent à l'esprit deux choses : une très vieille chanson et un très vieux mythe fondateur. La chanson, c'est "Jolie môme" de Léo Ferré et le mythe c'est "Pandora" (version Hésiode) et sa boite qui était une jarre, mais bon. Qu'est-ce qui reste collé au fond la jarre : l'espérance.