Salut !
Ça fait un sacré bail que je n’ai pas écrit quelque chose de complet, hein ? Eh bien pour une fois, je retrouve ma voix et mon envie de l’ouvrir. Parce qu’on ne bazarde pas une opinion dans une story ou un thread de quelques caractères et que c’est la brièveté de ces contenus qui laisse place à des mésinterprétations. Et j’ai envie d’être bien comprise.
J’ai vu les vidéos le concernant. Inutile de les développer : il parle comme un gros porc, manifestement obsédé par ce qu’il a entre les jambes, ou par ce que les femmes ont entre les leurs. Que dis-je, les femmes ? Les filles… Les fillettes… Peu lui importe semble-t-il, nous sommes toutes ou presque à mettre dans le même sac de bidoche.
Et ça, ce ne sont que des mots.
Il fait aussi face à des accusations de harcèlement, d’attouchements ou d’agressions sexuelles de la part de 16 femmes dont une s’est jetée récemment d’un pont, à Paris.
Alors bien entendu, il faut faire attention et ne pas chercher de causalité là où il n’y en a peut-être pas. La présomption d’innocence, vous savez bien.
Ce n’est sans doute pas à cause d’un viol datant de 1982 que cette dame s’est suicidée. Non, sans doute pas.
Et ce n’est sans doute pas parce qu’il tient des propos de gros dégueulasse que Gérard Depardieu a violé toutes ces femmes. Non, sans doute pas.
De toute façon, la bonne blague, c’est que les faits remontent à trop loin et qu’on ne pourra jamais rien prouver. Parce que dans les années 80 et dans les années 90, ce qu’on t’apprenait, c’est qu’on ne te croirait pas et qu’il valait mieux te taire. Alors elles se sont tues. Et va prouver une vérité 30 ou 40 ans après quand PLEIN de gens ont envie de ne pas te croire.
On ne saura jamais ce qu’il en est. Et ce n’est même pas mon propos. Vous vous doutez bien que je n’ai pas ressorti mon ordinateur un soir de vacances pour énoncer des évidences. Non, sans doute pas.
Alors le président des Français prend la parole. Il rappelle la présomption d’innocence. Et il a raison. Concernant les 16 accusations pour viol, il est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.
Par contre, lorsque Depardieu dit face caméra « c’est des grosses salopes ça », ou « C’est bien ma fifille, continue, tu vois, elle se gratte là », à propos d’une petite fille, il n’y a pas à le présumer innocent.
Donc il tient bien ces propos et Macron lui vient en aide ensuite en affirmant qu’il est « un grand admirateur de Gerard Depardieu ». « Il rend fier la France », dit-il sans rougir.
Depardieu rend fier la France. Waou.
Le Figaro publie alors une tribune de soutien à Gégé, signée par 55 artistes. Le point commun de ces gens ? Ils ont tous plus de 55 ans.
Et voilà. C’est là mon point.
Ils ont tous grandi dans cette société que mes 47 balais m’ont permis de bien observer et connaître aussi. Et ce que démontre leur participation à cette tribune est tout simplement le fait qu’ils ont été éduqués à trouver le comportement de Depardieu comme étant normal.
Parce que oui, il y a encore quoi ? Dix ans ? Vingt ans ? Tenir des propos de gros porc ne prêtait pas au lynchage public. Mieux, ça faisait de vous une star. Une personnalité « truculente », « un monstre sacré »…
Alors il est évident que pour toute une partie de cette génération, il est inconcevable qu’on se retrouve pendu sur la place publique pour avoir tenu des paroles si humiliantes ou dégradantes soient-elles. Au pire, elles sont celles du vieil oncle un peu nul qu’on laisse picoler en bout de table. Au mieux, si elles sortent de la bouche d’un homme dont la réussite est établie, il s’agit de propos « colorés » et rho la la, « qu’est-ce qu’il ose, ce Gérard »…
La nouvelle génération, elle, se bat avec ses nouvelles armes : la macro-diffusion. Puisqu’il est difficile d’obtenir justice, puisqu’on ne peut pas condamner un homme pour des propos, on peut au moins diffuser et rediffuser qui il est, cette face cachée qu’on conservait bien au chaud, qu’on évitait de montrer au monde, au cas où, quand même, ça ne passerait pas.
Aujourd’hui, ça ne passe plus. Aujourd’hui, on ne peut plus être l’un de ces hommes-là et bordel, c’est un sacré pas.
Et toute une génération, même de femmes, a encore bien du mal à s’y faire.
Quand j’étais jeune, oui, il était presque NORMAL que des hommes vous mettent la main aux fesses. Le curé de ma propre paroisse m’a fait des avances quand j’avais 12 ou 13 ans. Ma grand-mère m’a retiré de l’église, certes, mais personne, jamais, ne serait allé contre lui. C’était « ainsi ». Un homme politique m’a mis la main sous la jupe lorsque j’étais étudiante et on m’a reproché de l’avoir giflé par réflexe. C’était « ainsi ».
Mais, messieurs, dames, ce n’est plus « ainsi ». Oui, ces « monstres sacrés » trouveront encore des défenseurs quelques temps. Le temps que la société évolue encore. Que le message passe.
Pourtant, je pense qu’il n’est plus l’heure de défendre ces hommes-là.
C’est la fin de cette ère. La fin des privilèges et du droit de cuissage.
Ah oui ! L’ARGUMENT… Les familles des hommes accusés à tort etc. Rappelons-nous déjà que prouver un viol est tellement complexe que le pourcentage de condamnations restera mineur. Mais il est grand temps que les victimes n’aient plus peur de parler par peur de ne pas être crues.
Oui, il y aura toujours des accusations à tort, et quand bien même ? Le taux de condamnation est si faible qu’il en est ridicule.
Environ 200 000 personnes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Ces chiffres incluent différents types de violences, telles que les viols, tentatives de viol, et attouchements sexuels. Il est important de noter que ces statistiques ne reflètent que les cas rapportés et enregistrés, et il est probable que le nombre réel de victimes soit plus élevé en raison de la sous-déclaration de ces crimes.
Combien de femmes n’ont pas porté plainte ? Combien de femmes se sont dit que « finalement ce n’était pas si grave », après avoir été traitées comme de la viande par des hommes un peu trop puissants ? Combien de femmes se sont dit qu’on ne les croirait pas ? Que les gens soutiendraient leur agresseur ?
Selon Amnesty, en Belgique :
« 53 % des affaires de viol sont classées sans suite, et très peu des dossiers poursuivis aboutissent à une condamnation effective. »
Il subit une humiliation publique. Oui, sans aucun doute.
Personne ne mérite d’être celui qui paie pour tous les autres. Et pourtant, il faut bien que les messages passent. Et l’étalage répété des propos de Depardieu servira d’exemple, apprendra à quelques-uns que non, on ne sexualise pas une petite fille, que non, on ne tient pas des propos tels que ceux-là à tour de bras sans en payer au moins le prix de sa réputation.
Qu’il soit coupable ou non de ce dont il est légalement accusé, il y a peu de chances qu’il soit condamné, faute de preuves. Alors morfler parce que son caractère a été divulgué publiquement, c’est dur, mais soyons clairs : on ne plaindrait pas un homme qui aurait tenu des propos ouvertement racistes. Il n’y a aucune raison de plaindre un homme qui a tenu des propos ouvertement sexistes et surtout pédophiles.
Ah cette grande question éternelle… C’est plus simple pour Hitler (et hop, un point Godwin) : il était mauvais peintre.
Dans le cas d’un acteur, j’ai toujours pensé qu’il était dommage de punir tous les collaborateurs qui participent ou ont participé à ses projets.
Par contre, je ne comprendrai pas ceux qui choisiront de mener de nouveaux projets avec un homme qui a tenu de tels propos.
On peut choisir avec qui on travaille. Une fois que l’on sait que cet homme peut regarder une gamine faire du cheval et s’en exciter, on devrait être capable de se dire qu’on n’a pas envie de travailler avec lui. Depardieu est d’une autre ère, monstre sacré ou pas. Une ère qu’on devrait laisser s’éteindre.
Non, bien entendu. Tous les hommes ne sont pas comme Gégé. Bon nombre d’entre eux ont d’ailleurs honte, voire peur, d’être assimilés à ces comportements.
Je trouve qu’autour de moi, plein d’hommes se réveillent et ouvrent les yeux sur tout ça. Plein d’hommes réalisent que c’est ainsi que nous avons vécu et ne veulent pas de ce monde-là plus que nous n’en voulons.
Et cette video de Gégé, ça leur a un peu pété au visage, comme un trop plein de réalité qu’ils n’ont pas envie de voir de trop près quand même parce qu’il faut l’avouer, on n’a pas vraiment envie d’être comparé aux propos du monstre sacré.
Alors souvent, ces hommes-là font profil bas. Vous ne devriez pas, Messieurs : le silence assourdissant est parfois confondu avec un consentement. Et en tant que femme, j’en sais quelque chose (haha…).
Not all men et c’est cool. Mais ne vous gênez pas pour soutenir les victimes. Il y a déjà bien assez d’hommes pour soutenir Gégé. Dont un président, carrément.
Ah et pardon pour la photo d’illustration : elle est de Pascal Debrunner sur Unsplash et je vous concède que ce n’est pas gentil pour les cochons. Mais elle est libre de droit. Et il y a peu de photos de Gégé libres de droit. Parce que pour ça, voyez-vous, je pourrais être condamnée. C’est rigolo, non ?